2016 fut l’année du populisme

Oxford Dictionaries a choisi le mot « Post-vérité » comme le mot de l’année 2016.  Cette année, pas un seul jour ne s’est passé sans que l’on apprenne la victoire d’un candidat rejetant les élites, l’arrivée au pouvoir d’un parti offrant des solutions simples à des questions complexes, ou encore le résultat des intentions de vote reléguant les partis traditionnels à l’arrière-ban. Tout cela à un point tel qu’on a parfois lié, à outrance, chaque enjeu d’actualité au phénomène. Or, dans le monde que nous laisse 2016, quel est le portrait du populisme? Tour d’horizon.

États-Unis : l’étincelle Trump

Donald Trump a remporté les élections présidentielles américaines et sa nomination a été confirmée par le collège électoral, donnant espoir à tous les mouvements populistes du monde qui aspirent au pouvoir. Depuis, le président élu ne cesse d’annoncer les nouveaux membres de son cabinet, dont plusieurs riches hommes d’affaires. Quelques-uns des membres de l’équipe Trump ont aussi été critiqués pour leurs commentaires racistes par le passé.  

Canada : l’exception occidentale?

À se fier à l’affluence du site web de Citoyenneté et Immigration Canada le lendemain des élections américaines, on pourrait croire que le Canada est un des derniers bastions de la liberté dans le monde. Le premier ministre canadien Justin Trudeau, véritable star à l’international, célébrait en octobre sa première année au pouvoir. Or, si Le Monde a salué sa façon de faire de la politique « positive », le gouvernement Trudeau a toutefois été critiqué pour sa gestion lacunaire des questions environnementales et autochtones.

France : en attendant la présidentielle

Alors que c’est l’heure du bilan pour le président Hollande, qui a annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2017, tout semble possible pour le Front National de Marine Le Pen, l’une des premières politiciennes à féliciter Donal Trump sur Twitter pour sa victoire. Le parti de l’extrême droite française, qui depuis les dernières années tente d’adoucir son discours afin d’élargir sa base électorale, semble avoir sa place garantie pour le second tour de l’élection présidentielle.

Italie : lendemains de référendum

La démission du Premier ministre Matteo Renzi, suite à l’échec référendaire de sa réforme constitutionnelle, ouvre la porte au Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo. Ce dernier obtenait déjà, aux législatives de 2013, 29% des voix, contre 33% pour le parti de Renzi. Anti-système et misant sur la démocratie participative, le parti est aussi europhobe, grand critique de la corruption et anti-immigration. Le Mouvement 5 étoiles séduit autant des électeurs de gauche que de droite. Il partage la scène populiste avec un autre parti, la Ligue du Nord, davantage nationaliste. Ce parti de droite est lui aussi anti-immigration et pour la sortie de la zone Euro. La Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles ont tous deux réclamé des élections suite aux résultats du référendum.

Autriche : partie remise?

Le candidat du parti d’extrême droite FPÖ (le Parti de la liberté) à l’élection présidentielle autrichienne du 4 décembre, Nobert Höfer, a été défait par un candidat écologiste. Parti du nationalisme xénophobe, europhobe et fondé par d’anciens nazis, le FPÖ n’est toutefois pas près de disparaître du paysage politique autrichien : le président autrichien n’a qu’une fonction protocolaire, et le parti est de loin premier dans les sondages pour les élections législatives de 2018.

Royaume-Uni : un retrait plus complexe que prévu

Le Brexit est souvent identifié comme le premier événement majeur consacrant le populisme à l’échelle mondiale. La sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne risque toutefois d’être longue et complexe, et pourrait s’étendre sur plus d’une décennie. Selon les prédictions, les conséquences économiques du Brexit pourraient être lourdes : augmentation du chômage, baisse de revenus et diminution des recettes fiscales sont envisagées.

Allemagne : usure et terrorisme

Marquée par un attentat terroriste à quelques jours de Noël, l’unité politique du pays ayant accueilli près d’un million de migrants suite à la crise syrienne ne semble tenir qu’à un fil. En septembre, le parti de la chancelière Angela Merkel, usé par le pouvoir, a été battu pour la première fois par l’AfD (l’Alternative pour l’Allemagne) dans une élection régionale. Ce dernier, parti conservateur, critique fréquemment la politique migratoire allemande. Merkel, souvent identifiée comme un des derniers remparts contre le populisme dans le monde occidental,  a annoncé en novembre qu’elle se présentait pour un quatrième mandat aux législatives de 2017.  

Philippines :

Populiste par excellence, le président philippin Rodrigo Duterte a été élu en septembre en promettant une féroce lutte contre le crime et les élites. Or, Duterte est accusé de lourdes atteintes aux droits de l’homme, notamment sous le couvert d’une lutte antidrogue répressive alors qu’il était maire de Manille, dans les années 1990. Comme celles de Donald Trump, les nombreuses déclarations scandaleuses de Rogrigo Duterte – notamment en matière de viol – n’ont pas eu raison de sa candidature.  Sa nomination s’expliquerait en partie par la stagnation du niveau de vie du peuple philippin, dont un quart vit sous le seuil de pauvreté.

Venezuela :

En pleine crise économique avec une inflation qui risque d’atteindre 1500% en 2017, le Venezuela souffre d’une pénurie alimentaire causée par la chute du prix du pétrole, poumon économique du pays. La crise monétaire a entraîné une crise politique autour du président socialiste Nicolas Maduro, héritier ultranationaliste d’Hugo Chavez à qui l’on reproche d’avoir transformé un des plus riches États d’Amérique du Sud en désastre économique à coup de promesses illusoires. Le parti de Maduro a été défait aux législatives de décembre, au profit d’une coalition de centre-gauche, mais le président est toujours en poste.

Afrique du Sud :

Suite aux élections municipales d’août, l’agence de notation Fitch mettait en garde contre « le risque que l’ANC [le parti au pouvoir] s’engage dans des politiques plus populistes, pour faire face à l’insatisfaction de son électorat ». À cela s’ajoute le retrait de l’Afrique du Sud de la Cour Pénale Internationale en octobre pour des raisons d’ « incompatibilité » entre les prescriptions de la Cour et les obligations de l’Afrique du Sud, dont l’immunité diplomatique. Cette décision a critiquée comme préjudiciable au respect des droits humains et risquant d’entraîner le retrait massif des autres états africains, signe potentiel d’une tendance populiste au sein du continent.  

La suite en 2017

Ce tour d’horizon est loin d’être exhaustif : omniprésents, on trouve par exemple des partis populistes au Brésil, en Espagne, en Hongrie, en Grèce et en Pologne. En somme, le populisme continuera vraisemblablement à être d’actualité en 2017. Toutefois, la prudence s’impose : tout n’est pas populisme, et tout ce qui est populisme n’est pas à rejeter en bloc. D’ailleurs, dans une entrevue au journal Le Monde cet automne, la philosophe Catherine Colliot-Thélène rappelait que la méfiance envers les élites vient du fait que « […] ce sont ces élites – partis de gauche et de droite confondus en Europe, Partis républicain et démocrate aux États-Unis – qui ont conduit, depuis plusieurs décennies, des politiques économiques ayant créé des inégalités sociales dans des proportions inédites. »

 

Par Julien Beaulieu

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